vendredi 6 juillet 2007

Le poisson - V

5ème partie


« AH Gong, je n’ai pas oublié tu vois, j’ai rapporté du poisson ! Du Bonito en plus ! » AH Zhang rêvassait. Il imaginait la joyeuse scène de retour à la maison. En chemin, il ne cessait de penser aux gros yeux d’émerveillement que feraient sa sœur et son petit frère en voyant ces deux gros poissons. Quant à son grand-père, il le voyait déjà les baguettes à la main et tout tremblant de joie face à ce délicieux poisson dans son assiette. Et sa joie déborderait quand AH Zhang lui annoncerait : « Ah Gong plus que deux mois et je serai menuisier ! »

Quand tout à coup, « CLAC ! ».

Le vélo avait déraillé. La chaîne pendait et touchait le sol. Ah Zhang sauta à terre. Pris la chaîne dans une main pour la replacer sur le dérailleur. De l’autre main, il prit la pédale qu’il fit tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre et voilà, la chaîne était en place. Il avait l’habitude, le vélo déraillait sans cesse. Il le savait bien qu’il ne pouvait pas pédaler trop vite, mais perdu dans ses rêves, il en avait oublié sa chaîne. Et voilà, elle avait encore déraillée. Ah Zhang, les mains toutes noires et graisseuses remonta sur son vélo quand il s’aperçut que les feuilles de taro accrochées à son guidon étaient vides. Le poisson était tombé ! Ah Zhang revint sur ses pas, lorsqu’il aperçut son poisson, là à deux kilomètres sur la route, aplati, écrasé par une voiture, son poisson n’était plus qu’une image plutôt flou de bonito. Pauvre Ah Zhang, cela faisait deux heures qu’il pédalait sur ce vélo deux fois trop grand pour lui, sous un soleil de plomb. Un vrai calvaire, et voilà que maintenant son poisson était tombé, réduit en miette. Il n’avait plus la moindre force pour pleurer.

Le poisson - IV

4ème partie


« Fiston viens, viens ici. » Et le grand-père lui aussi fit quelques pas vers AH Zhang. Il se rapprocha et se pencha à son oreille comme pour lui faire une confidence.

« Tu sais il y a une fois, j’ai réussi à vendre beaucoup de pomme de terre. Avec l’argent que j’avais gagné j’ai eu envie d’aller jusqu’au marché pour vous acheter à toi et tes frères et sœurs un poisson. L’autocar n’est pas encore là ? Hein ?»

« Non pas encore » répondit Ah Zhang.

« Bon quand l’autocar arrive tu me préviens hein ! Tu sais le poisson est beaucoup plus cher que les autres plats. Et bien ce jour-là, je me suis avancé vers les stands de poisson. J’ai commencé à regarder les poissons et surtout les têtes des vendeurs. Mais je n’osai pas m’approcher de trop près. Alors j’ai d’abord continué à faire le tour des stands et tu sais pourquoi ? »

« Parce que tu voulais voler du poisson ? »

« Quoi ?! Mais non ! Ca va pas ! Il ne faut jamais faire ça hein, tu m’entends ? Il ne faut jamais voler ! Le car est arrivé ? Tu dois faire attention au car hein ! Quand il arrive tu me le dis d’accord ? »

« Oui, oui, il n’est pas encore arrivé ! »

« Bon et bien tu sais pourquoi ? Parce que les poissonniers se sont tous des voleurs ! Il faut se méfier hein ! Et ce jour-là, il y avait une femme parmi les vendeurs. Je me suis approché de son banc de poisson et j’ai vu qu’elle avait un très beau bonito dans les mains. Et elle criait, ils sont beaux mes poissons ! Très frais ! Pêchés ce matin ! Alors je me suis approché de son stand et lui ai dit de ne pas voler un pauvre vieux monsieur comme moi. Elle a sourit, et sur un ton plutôt honnête et rassurant, elle m’a dit de ne pas m’inquiéter. Alors je lui ai acheté un bon gros bonito ! Elle me l’a emballé et je suis reparti avec le poisson. Et bien, quand je suis arrivé à la maison, il avait diminué de moitié ! »

« Et le bus arrive !! J’ai entendu le bruit du moteur »

Le grand-père se redressa regarda au loin la route « mais ce n’est que le bruit du moteur. On a encore le temps, peut-être que ce n’est qu’une voiture. »

« Tu as dit qu’un sac de pomme de terre équivaut à un poisson de quelques grammes. »

« Eh tu as bien retenu hein ! »

« Eh bien, ces bandits m’ont volé mon argent ! Tous des bandits je te dis. Cette arnaque m’a chagriné pendant des jours et des jours. Et ben tu sais quoi : Jusqu’à maintenant encore je n’ose pas aller au marché de poisson. » Et le grand-père souffla : « pfff, les gens de la montagne n’ont vraiment pas de chance, ils ne peuvent vraiment pas manger de poisson. »

« Et le bus arrive ! Bon j’y vais. » Ah gong plissa les yeux et essaya d’apercevoir le bus. « Bon allez, vas-y vite ! AH Gong ne t’accompagne pas hein, tu y vas tout seul, moi je vais me reposer ici. » continua Ah Gong.

« J’y vais papi. »

Et Ah Gong pour la dernière fois : « et n’oublie pas, hein.. ; »

« Oui de rapporter un poisson je sais ! » Et Ah Zhang partit en riant.

Le poisson - III

3ème partie


AH Zhang et Ah Gong aperçurent enfin l’arrêt de bus de Pitou. Ils marchèrent en silence jusqu’à l’arrêt de bus. Lorsque le vieillard s’arrêta soudainement et demanda :

« Tu manges à ta faim au moins? Ca va ? »

Mais Ah Zhang ne répondit pas.

« Ils te frappent là-bas ? » continua à demander le vieillard.

Et Ah Zhang refusait toujours de répondre.

« Quoi ? Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu as perdu ta langue ? »

AH Zhang, tête baissée, laissa couler quelques larmes.

« Mais ne pleure pas. Tu vas devenir un menuisier, c’est bien non ? Il n’y a pas de quoi pleurer. »

Ah Zhang hocha la tête et s’essuya les yeux avec sa manche. « Je ne pleure pas ! » Mais pourtant il ne redressa pas la tête.

« Ah j’oubliais. Tiens ! Prends ces quelques pommes de terre tu les donneras à ton maître d’apprentissage. Comme ça, ils seront peut-être plus gentils avec toi. »

« Non c’est bon ! »

« Prends les, c’est mieux comme ça. » Et son grand-père, Ah Gong, fit glisser le sac de pomme de terre qu’il portait sur l’épaule pour le remettre à Ah Zhang son petit-fils. « Ah ! et n’oublie pas de rapporter le sac hein ! »

« Non c’est bon. Je ne veux pas leur donner ça, ils vont se moquer de moi. »

« Quoi se moquer de toi ? Mais pourquoi ? Ce sont les meilleures pommes de terre de la montagne. »

Ah Zhang, releva alors la tête, les yeux toujours rougis par les larmes et acquiesça.

« Bon d’accord ! » finit par accepter le grand-père. « Tu as raison, je préfère encore donner les meilleures des pommes de terre à mes cochons, qu’à ceux qui osent toucher ne serait-ce qu’un seul cheveux de mon fils. »

« AH Gong, il est tard maintenant. Ce n’est pas la peine de m’accompagner jusqu’à l’arrêt de bus. » « Rentre. C’est mieux. »

« Bon d’accord, je vais rentrer. Mais je vais rester ici un peu pour me reposer d’abord. Ne t’occupe pas de moi, va vite à l’arrêt attendre le bus. »

L’enfant tourna le dos au grand-père et s’éloigna lentement jusqu’à ce que son grand-père l’interpelle : « Et AH Zhang, tu es sûr ? Tu ne veux pas apporter les pommes de terre ? »

« Non je ne veux pas. »

« Bon, tant pis. Et peut-être que la prochaine fois que tu rentreras, ils t’offriront un poisson pour que tu le rapportes à la maison. »

« Oui ne t’inquiète pas, je rapporterai un poisson à la maison. »