vendredi 11 mai 2007

Wenzhi, le célère médecin

Il y a fort longtemps, le royaume de Song avait la chance de compter parmi ses sujets le meilleur médecin de tout le royaume et de tous les royaumes voisins. Wenzhi était sans aucun doute non seulement le plus doué de ses confrères connaisseurs et praticiens en médecine mais également le plus soucieux de moralité. Il possédait là les deux qualités indispensables pour devenir un excellent médecin. Sa réputation n’était plus à faire et Wenzhi s’adonnait tous les jours à la pratique de la médecine pour sauver les sujets de son royaume.

Le royaume de Qi était le royaume voisin à celui de Song. Or ce dernier était en train de vivre une tragédie, le roi était souffrant. Il avait contracté une maladie grave que tous les médecins de Qi avaient tenté de soigner, en vain. Depuis déjà des mois, sa majesté souffrait.
Alors, la cour du royaume décida de faire appel à Wenzhi, médecin au royaume de Song, leur dernier espoir ! On envoya un serviteur au royaume de Song afin de prier le fameux Wenzhi de se rendre au royaume de Qi pour examiner et soigner sa majesté le roi.

Après un long voyage, Wenzhi arriva enfin au royaume de Qi. Il ne fallait plus attendre, le roi éprouvait, avec de plus en plus de difficultés, sa maladie. Aussi, à son arrivée au royaume de Qi, Wenzhi se dirigea immédiatement dans la chambre de son altesse. Il examina le roi méticuleusement, fit un examen complet puis sortit sans un mot. Hors de la chambre, il entraîna ainsi le serviteur du roi à l’écart de la chambre, loin des murs renfermant sa majesté, qui, disait-on, possédaient des oreilles !
Et face au serviteur du roi, Wenzhi s'exprima enfin.
« La maladie de votre majesté peut être traitée. Elle n’est pas incurable. Cependant, je crois deviner et pouvoir avancer sans me tromper, que si je guéris le roi, ce sera au prix de ma vie.»
« Mais enfin, maître Wenzhi, qu’entendez-vous par là ? Qu’avancez-vous ? Comment cela serait-il possible ? Une vie contre une mort ? »
« Je m’explique. La maladie de votre majesté est une maladie du cœur qui le ronge. Cette maladie, sans cesse refoulée par le roi, le détruit maintenant physiquement. Cependant, une simple grosse colère pourrait soulager la pression qui fait son mal intérieur. Ce mal remonterait à la surface et ne le rongerait ainsi plus de l’intérieur. Mais si je provoque la colère de votre majesté, alors il m’en coûtera la vie. »
« Oh, il en est ainsi. » commença à répondre le serviteur de l’empereur.
« Mais monseigneur» reprit celui-ci «nous ne pouvons continuer à laisser souffrir notre roi. Il faut malgré tout le soigner au plus vite. Soignez-le, et je vous donne ma parole que moi-même premier serviteur du roi et son altesse la reine, la mère du royaume interviendront en votre faveur auprès de sa majesté. Ainsi il ne vous arrivera rien. Soyez sans crainte!»
« Bon » puisqu’il en est ainsi, pour votre cœur fidèle et noble et parce que mon traitement est désormais connu de vous et sera connu de votre majesté et votre altesse la mère du royaume, je vais alors pouvoir commencer à examiner votre roi.»

La date et l’heure exactes de la visite choisis par le médecin Wenzhi pour examiner sa majesté de Qi furent communiquées par le serviteur au roi. Mais contrairement à ce qu’il était convenu, Wenzhi s’excusa trois jours durant, prétextant diverses raisons sans fondements. Le quatrième jour, Wenzhi se présenta enfin à la cour.
Ce jour-là, Wenzhi se dirigea directement dans la chambre du roi, et s’en prendre la peine de le saluer dignement comme il se doit selon les usages, ni même sans respecter la politesse de retirer ses souliers avant de consulter un malade sur son lit, il grimpa sur le lit de sa majesté, foula de ses pieds chaussés de souliers crasseux les vêtements royaux et feignit de consulter sa majesté sans prendre la peine de l’examiner réellement.
Bien sûr, sa majesté qui avait déjà attendu trois jours la visite de ce célèbre médecin, eut tout d’abord sa colère apaisée par la bonne nouvelle de la venue de Wenzhi. Mais lorsque le roi eut assisté au spectacle désastreux de la consultation de Wenzhi, lorsqu’il fut suffisamment maltraité par ce médecin insolant, tout d’abord stupéfait, tout à coup sa colère éclata !! Un torrent d’injures jaillit du cœur de sa majesté et mieux que tous les traitements et piqûres qu’il avait eu auparavant, ces injures l’avait guéri. Il était guéri. Un miracle !!
Cependant, la colère était plus forte. Il ne pouvait oublier toute l’humiliation qu’il avait subi, lui sa majesté le roi ! Non il ne pouvait accepter un tel comportement de la part d’un sujet dans son royaume ! Et malgré l’intervention de son plus fidèle serviteur et de son épouse, son altesse royale, pour épargner Wenzhi, le roi de Qi ne pouvait accepter ce comportement ! Cela dépassait son entendement!

Alors Wenzhi fut emprisonné! Les prières et les supplications de sa cour ne pouvant être d’aucun recours à Wenzhi.
Il fut mené à la torture pratiquée à l’époque: torturé au chaudron.
Cependant, face au roi toujours dévisagé par la colère, Wenzhi resta fidèle à sa médecine, et ses dernières paroles furent pour le roi :
« J’ai agi comme je l’ai fait par devoir. Mes méthodes sont justes et loyales envers la pratique de la médecine. Le traitement de la maladie fut exposé avant d’être réalisé. Tout dans ma pratique fut en accord avec l’exercice de la médecine. Alors, tuez-moi, je n’ai pas de regret!».

Le roi ne put en entendre davantage, furieux, il ordonna la mort de Wenzhi.