samedi 26 octobre 2002

Le renouveau des cinémas chinois : le cinéma taiwanais

A Taiwan, depuis l'arrivée du Guomindang au pouvoir, les productions cinématographiques, peu nombreuses et constamment en diminution, sont au service du gouvernement pour montrer la spécificité de l'île par rapport à la Chine populaire. Dans les années quatre-vingts, l’unique compagnie de production de Taiwan, la Central Motion Picture Corporation (CMPC), engage des scénaristes pour renouveler le cinéma taiwanais. N'ayant d'ambassade ou autre organisme officiel à l'étranger, le gouvernement veut utiliser le cinéma comme porte-parole. Wu Nien-jen et Hsiao Yeh, deux scénaristes, sont engagés. Ces derniers forment de jeunes réalisateurs, apportant un nouveau souffle au cinéma taiwanais. Les jeunes cinéastes sont tour à tour réalisateur, producteur et même parfois acteur. Parmi eux, on trouve Hou Hsiao-hsien et Edward Yang Dechang, deux grands noms du cinéma taiwanais et international[1]. Cette nouvelle génération consacre son cinéma aux classes moyennes et aux changements de Taiwan. Quelques-uns de ces réalisateurs connaissent le succès lors de festivals internationaux, mais restent cependant connus uniquement de quelques initiés[2].

Ainsi l'utilisation du cinéma comme représentant de la « république de Chine à Taiwan », tel que l'a souhaité le Guomindang est un échec, puisque les cinéastes se montrent plus critiques qu'élogieux à l'égard de la politique du gouvernement. Echec d'autant plus grand pour l'Etat, qu'il ne réussit pas à concurrencer le cinéma hongkongais à Taiwan.

A contrario, il s'agit d'un succès pour les cinéastes taiwanais, qui réussissent à s'émanciper du contrôle de l'Etat, malgré une censure toujours è présente. Dès le milieu des années quatre-vingts, la CMPC n'est plus la seule compagnie de production à Taiwan. Edward Yang Dechang crée sa propre production, « Yang and Gang », suivi par Hou Hsiao-hsien avec Ia « 3-H Films ». Néanmoins le cinéma taiwanais reste peu exporté en Asie.



[1] A propos de l’Histoire du cinéma taiwanais depuis 1980, lire Bérénice REYNAUD, Nouvelles Chines-Nouveaux cinémas, op. cit., p.30 à 33.

[2] Hou Hsiao-hsien a obtenu entre autres, le Lion d'or au festival de Venise en 1989, avec La cité des douleurs (1989). Quant à Edward Yang Dechang, il a été révélé au public occidental en 2000,par le festival de Cannes où il a obtenu le prix de la mise en scène pour YiYi (2000).

samedi 19 octobre 2002

Le renouveau des cinémas chinois : le cinéma de la Chine continentale

Au même moment, avec la fin de la Révolution culturelle, la production cinématographique en Chine populaire redémarre peu à peu, avec les films de la « Cinquième génération »[1] (il s'agit de la cinquième génération d'élèves à I'Institut du film de Pékin[2]). Le studio de Xi'an, dirigé par Wu Tianming[3] depuis 1983, permet à quelques-uns de ces jeunes metteurs en scène, de réaliser des œuvres personnelles. Ces cinéastes, censurés par le gouvernement, renouent avec le cinéma critique d'avant la Révolution culturelle. Les sociétés anciennes et nouvelles sont analysées, notamment les changements que les femmes ont connus avec ce bouleversement de la société. La réalisation se fait sous le contrôle, dans un premier temps, du Bureau du Cinéma, puis du Ministère de la Radio, de la Télévision et du Cinéma et à partir de 1998 de l'Administration d'Etat de la Radio, du Film et de la Télévision (AERFT). Le cinéma devient plus un moyen d'informer la population chinoise qu'un art. Tous les films « désinformant » les populations sont interdits. La censure s'exerce dès la présentation du scénario au ministère ou, si celui-ci est accepté, à la post- production. Dans le but d'informer, en 1987, le nouveau ministre du Cinéma, Chen Haosu, crée une fondation afin de financer des films à caractère informatif ; I1 s'agit de productions sur des thèmes historiques, tels les combats révolutionnaires ou encore 1es luttes du peuple. Ces films sont réalisés par les seize studios de l'Etat, seules compagnies de productions autorisées en Chine populaire.

A partir de 1988, alors que le nombre de spectateurs diminue, la politique du ministère du Cinéma change d'objectif, et réoriente les studios vers des films plus commerciaux. Leur but est de concurrencer les productions hongkongaises, abondantes sur le marché chinois. Parallèlement, des œuvres plus personnelles apparaissent, avec la « sixième génération » de cinéastes. Ces œuvres ont la volonté de saisir la difficulté des populations chinoises, et surtout de montrer le regard des jeunes générations sur leur société, en insistant sur les femmes (leur place dans la société, leurs difficultés et leurs forces). En 1993, avec la fin du monopole de la société d'Import-export et de distribution cinématographique d'Etat, la China Film, le cinéma chinois s'ouvre au reste du monde. Dans une période de liberté économique, le gouvernement restreint ses interventions dans la production cinématographique. Les studios s'ouvrent aux investisseurs privés et de nouvelles sociétés de production et de distribution apparaissent, telle Ocean Film, Asian Union ou encore Forbidden City Film Company.

Les films chinois s'exportent davantage, mais les importations étrangères restent étroitement contrôlées. En 1995, Jiang Zemin renforce la censure, afin de limiter les dérives de la libéralisation économique. Le gouvernement rappelle que le cinéma doit avoir « un contenu idéologique et artistique, tout en étant apprécié et optimiste ». « Les metteurs en scène doivent réaliser des films en plus grand nombre et de meilleure qualité, illustrant les progrès éthiques et culturels du socialisme »[4] Ainsi au nom du « motif principal » contenu dans le film pour servir l'Etat, le nouveau chef du bureau du cinéma, Liu Jianzhong, renforce la censure, d'autant plus aisément que le terme de « motif principal » est extrêmement peu précis[5]. Des réalisateurs parviennent toutefois à contourner cette censure, en tournant sans autorisation. Leurs œuvres sont alors interdites en Chine, mais généralement, visibles clandestinement[6] où à l'étranger. Le public chinois, y compris à la télévision, n'a alors qu'un choix limité de productions cinématographiques, toutes commerciales, américaines ou hongkongaises.



[1] Celle-ci sera étudiée dans la première partie du mémoire.

[2] L’institut du film de Pékin est la plus grande école de cinéma de Pékin. La plupart des réalisateurs chinois continentaux connus en Occident proviennent de cette école, tel Chen Kaige, ou encore Jia Zhangke, jeune réalisateur présent en compétition officielle à Cannes 2002.

[3] Wu Tianming est diplômé de l’Institut du film de Pékin. En 1983, il réalise Rivière sans balise.

Avec celui-ci, il est surnommé, le « père de la cinquième génération ». La même année, il est nommé directeur du studio de Xi'an.

[4] Propos recueillis dans, Dominique BARI, Chine: la grande mutation, Paris, 1997, Editions sociales,coll. Regards sur le monde, p. 87.

[5] A ce propos, lire Bérénice REYNAUD, Nouvelles Chines, nouveaux cinémas, Paris, Editions Cahiers du cinéma, 1998,p.14 -16.

[6] Les films censurés sont visibles en copie VCD ou vidéo, et vendus « sous le manteau ». Internet permet aussi de visionner les films censurés.

samedi 12 octobre 2002

Le renouveau des cinémas chinois : le cinéma hong-kongais

Depuis les années cinquante, les productions cinématographiques hongkongaises sont majoritaires en Asie orientale. Cependant, le cinéma de Hong Kong est très récent, puisqu'il se développe avec les vagues d'immigration chinoise, dans les années quarante et soixante. Il devient un cinéma de référence dans les années soixante, grâce à l’invention du cinéma de kung fu. Il est né d'une volonté de concurrencer les cinémas d'action japonais et américains et s'est développé, grâce à un commerçant, M. Shaw. (Celui-ci ayant hérité d’un théâtre, pour tous règlements d'une dette de jeux. Par la suite, par soucis de développer le théâtre familial, les Shaw ont promotionné le « cinéma de kung fu »[1]. A Hong Kong, le cinéma est alors pendant longtemps uniquement commercial et étroitement contrôlé dans les années soixante et soixante-dix par les frères Shaw. Tous les films s’adressent au public chinois, diaspora comprise, impliquant une distribution et une production de masse. Dans ce système, même les œuvres plus personnelles doivent être rentables, présenter des « stars du box-office » ou être, des films désignés comme « tendances ».

Ces films sont tous des films de genre (policiers, sentimentaux, comiques, épiques...), où la culture traditionnelle chinoise est intégrée aux thèmes internationaux et universels, tels l'amour, la mort... Les réalisateurs sacrifient leurs idées au nom du marché. Dans ces conditions, il est difficile de parler de cinéma d'auteur et le cinéma hongkongais apparaît essentiellement commercial[2]. Dans les années quatre-vingts, la production et la distribution changent de mains et quelques grandes compagnies remplacent le monopole des frères Shaw ; quatre circuits majeurs se distinguent dans la production et la distribution avec la Golden Harvest, la Cinema City, la D and B et la Sil-Metropole. En 1988, des œuvres plus personnelles sont favorisées par un nouveau producteur, Newport Entertainment Ltd. Cependant, avec l'arrivée de nouveaux moyens de distribution ( vidéo, VCD et DVD), les productions s’avèrent de moins en moins fructueuses. Les producteurs se montrent davantage frileux, et restreignent les jeunes réalisateurs dans leur créativité, pour favoriser les films rentables. Aussi les cinéastes sont soumis à deux critères de censure lors de la réalisation de leurs films. Ils ne doivent, ni choquer les pays voisins, ni aborder le rattachement de Hong Kong à la Chine en 1997.

Toutefois les jeunes cinéastes hongkongais, contournant très bien ces contraintes de production, créent des œuvres plus personnelles, des films de genre nouveau, revisitant des modèles déjà trop exploités. Tsui Hark, après King Hu, révolutionne les films de Kung-fu ; John Woo invente un nouveau héros, le tueur romantique ; Allen Fong Yuk-ping crée le « cinéma vérité » ; enfin Ann Hui On-wah expérimente un cinéma de femmes. Ils donnent un souffle au cinéma hongkongais. Une « nouvelle Vague » de cinéastes émerge, formés, pour la plupart, à l'étranger et à la télévision.




[1] Lire Olivier ASSAYAS et Charles TESSON, Hong Kong Cinéma, Paris, Ed. Cahiers du cinéma,1984, p.27-28.

[2] Lire Matthieu DARRAS, « A la recherche d'un nouveau souffle », Positif, n°455, janvier 1999, p.74-77.