mardi 20 juin 2006

« le festin » de Liu Shih-Fen


Liu Shih-fen est une artiste qui se distingue par ses idées féministes, notamment avec son oeuvre « le festin » en 1998.

Il s’agit du festin d’un squelette masculin au pénis en or, préparé par une femme lors d’un dîner plutôt baroque. Cependant, ce squelette possède la bouche de l’artiste renvoyant ainsi au visiteur une image androgyne du squelette. Ce squelette représenté sur un étrier en fer peut-être alors interprété de différentes façons suivant le sexe et les expériences des visiteurs. Un homme y verra plus une représentation sexuelle tandis qu’une femme imaginera plutôt une visite chez le gynéco. Une femme ayant vécu un avortement portera à son tour un regard différent sur cette scène. Cette oeuvre permet à l’artiste de dénoncer les rapports hiérarchiques et de dominations sexuelles continuellement sous entendus à Taiwan entre les infirmières, quasiment 100% féminines, et les médecins à majorité masculine.

Oeuvres de Liu Shih-Fen

« Gift », oeuvre de Liu Shih-Fen


Le travail de l'artiste Liu Shih-Fen est avant tout un travail pour la défense de la liberté, dont l'oeuvre la plus représentatrice serait l’oeuvre qu’elle a réalisé en 2003 : une installation vidéo intitulée « Gift ». Il s'agit d'une oeuvre réalisée à partir d’une expérience réelle, vécue par l’artiste, au service gynécologique où elle travaille. C'est une animation vidéo sur la naissance d’un bébé né sans cerveau appelé « Wa-Pao » (ce qui veut dire « la poupée précieuse ») pour permettre à sa soeur jumelle de naître et d’exister. Ce bébé sans cerveau a vécu 26 heures. L’infirmière en charge de Wa-pao était Liu Shih-Fen, elle-même. Elle a filmé le bébé lors de ses quelques heures de vie. Puis avec l’autorisation des parents, bien sûr, elle a utilisé cette vidéo pour son oeuvre « Gift ».

Cette oeuvre est une installation vidéo où un écran projette la vidéo de Wa-pao modifiée par odrinateur. Celui-ci est installé au fond d’une salle et fait face à un autre écran diffusant l’oeil de la mère de l’enfant - La mère ayant entretenu un rapport très particulier avec l’artiste Liu Shih-Fen, à savoir la seule personne ayant connu la petite Wa-pao, la mère elle-même ne l’ayant jamais connu. Ainsi les regards de la mère et de cette poupée précieuse se rencontrent.

En entrant dans la salle d’exposition de cette installation, les spectateurs doivent d’abord traverser un long couloir avant d’arriver face à l’écran. Et sur cet écran est alors projeté une image de Wa-pao divisée en deux où les tissus de son cerveau sont visibles. Le plus surprenant et souvent, le plus rebutant, pour les spectateurs est que celui-ci en touchant l’écran peut activer le cerveau de l’enfant, et ainsi la faire cligner des yeux, et activer son cerveau. Il se transforme alors progressivement en un coeur rouge vif pour devenir une blanche colombe prenant son envol en laissant des yeux derrière elle : le symbole du regard spirituel de cet enfant. Les regards de la mère et de l’enfant se croisent et se consolent ensemble, libérés tous les deux. La liberté du choix de la mère, la liberté de l’enfant délesté de son fardeau et la liberté d’être un court instant ensemble malgré le destin inaliénable de cet enfant.

Les droits d'auteurs appartiennent à l'auteur de cette image:

Oeuvres de Liu Shih-Fen

mardi 6 juin 2006

« Douze formations du Karma », oeuvre de Chen Chieh-Jen

L'oeuvre de Chen Chieh-Jen, à la fois photographique et vidéo évolue vers une représentation plus contemporaine des Taiwanais voir même ultramoderne, notamment avec sa série « Douze formations du Karma » réalisée en 2000. Ici ce sont des photos où des corps nus, mutilés, blessés, greffés de pièces métalliques, ou de caméras vidéo évoluent dans les passages piétons souterrains de Taipei. Ces images rendent alors le spectateur très perplexe, ces personnages ont-ils une maladie, est-ce en temps de guerre, est-ce une attaque terroriste, ou une vision futuriste de mutations cyborg ?

Par ailleurs, la vision de ces corps blessés, décharnés, nus et handicapés, nous rappelle des scènes de l’enfer, où quelques indices de rédemption nous sont offerts. Ces indices sont en relation avec la formation du Karma enseigné par le bouddhisme, religion profondément intégrée dans les croyances populaires et dans l’oeuvre de Chen Chieh-jen. Ainsi, les indices de rédemption sont pour encourager les Taiwanais à connaître leur destin et ainsi à essayer de le changer. Cette réflexion sur le destin à travers les oeuvres de Chen Chieh-jen amène les spectateurs au coeur de la violence, et non plus comme dans ses oeuvres précédentes aux origines de cette violence.

Oeuvres de Chen Chieh-Jen

« Revolt of Body and Soul », oeuvre de Chen Chieh-Jen

L’oeuvre la plus marquante de l'artiste Chen Chieh-Jen est sa série « Revolt of Body and Soul », où il utilise d’anciennes photos représentant l’exécution traditionnelle chinoise par démembrement progressif appelé Lingchi et photographiés par les occidentaux au début du 20ème siècle.

C’est ainsi en modifiant par ordinateur ces photographies célèbres en Occident, qu’il va représenter des scènes horribles, violentes, stupéfiantes, retraçant l’histoire et l’évolution d’une société qu’il juge démembrée, comme les victimes lors de ces scènes d’exécution chinoise. Ainsi en reconstituant ces scènes de tortures en y intégrant la photo de son visage, et différentes autres scènes de plaisirs, ou de sectionnement, il symbolise une société taiwanaise fondée sur des omissions, des reconstitutions, des coupures et autres remaniements de l’histoire opérées depuis des années par les gouvernements successifs au pouvoir.

Cette série est un ensemble d’oeuvres d’abord réalisées à partir de photos prises entre 1900 et 1950 (date coïncidant avec le début de la Chine moderne et de l’instauration de la loi martiale à Taiwan), puis ces photos sont modifiées pour représenter l’effet que la violence de cette période a produit sur une société taiwanaise se détruisant elle-même, avec des méthodes légales d’exclusions sociales, de reconstitutions de l’histoire, et de coupures en période de loi martiale.

Ainsi dans ses oeuvres, la violence y est externe, interne et institutionnelle.

Ainsi, pour mieux comprendre son oeuvre, abondante de symbole, je vous propose de nous attarder un instant sur une oeuvre, exposée actuellement au Musée d’art contemporain de Taipei, le Taipei Fine Arts Museum, le triptyque « Lost to voice ».

Ce triptyque a pour source une photo prise en 1946 lors de la guerre civile où les Communistes armés ont pris un village chinois, Chongli, et l’ont complètement massacré. La photo de base est déjà une scène terrible, proche des représentations que l’on peut avoir généralement de l’enfer, montrant un carnage monstrueux. Or désormais, avec l’oeuvre de Chen Chieh-jen ce massacre atteint le sommet de l’horreur.

Et à cette scène d’horreur, Chen Chieh-jen y ajoute des corps se masturbant et se mutilant eux-mêmes tous ayant l’apparence de l’artiste lui-même, se posant ainsi comme victime de ces massacres, et comme auteur de ceux-ci à la fois. Montrant ainsi la double personnalité de la société taiwanaise à la fois victime et bourreau. Sur cette photo il y ajoute aussi des frères siamois, ayant également son apparence, personnage récurant dans son oeuvre, représentant ainsi des siamois se détruisant et tout en s’amusant ensemble. Ces siamois, non seulement expriment la destruction, et la prise de plaisir, mais également représente un état et son peuple se déchirant mutuellement. Ici les siamois dansent sur les corps et sont transportés de joies, tournés vers les spectateurs, amenant ainsi le spectateur a atteindre le sommet de l’exaspération face à cette scène d’horreur !

Cette série sur la révolte du corps et de l’esprit réalisée à la fin des années 90 est alors complétée par une oeuvre vidéo intitulée « Lingchi : Echoes of a Historical Photograph ».

Oeuvres de Chen Chieh-Jen