mardi 24 octobre 2006

La mariée et le dieu du fleuve

Voici une méthode très habile pour mettre fin aux superstitions.

A l’époque des royaumes combattants, il y a plus de 2000 ans, sous le royaume de Wei, un magistrat, Ximenpao fut nommé gouverneur de la province de Yeh. Ayant juste pris ses fonctions, le jeune magistrat fit appeler les aînés de cette province et leur demanda quelles étaient les principales difficultés que les habitants rencontraient ici, si la population était malheureuse.
Alors les anciens répondirent : « Ah il y a bien un problème qui cause grand malheur sur nos terres au fil des ans, c’est le mariage du dieu de la rivière. Notre peuple s’appauvrit tous les jours un peu plus pour offrir une grande cérémonie de mariage au dieu de la rivière. »

Alors Ximenpao, perplexe et intrigué par cette histoire étrange réclama plus d'informations.
« Alors voilà » commencèrent les aînés, « le problème est que les tyranneaux locaux, ainsi que les quelques fonctionnaires de la province collectent chaque année pour cette cérémonie plus de 1 000 000 de yuans. Ils dépensent environ 2 à 300 000 yuans pour le mariage du dieu de la rivière et se partagent le reste, en collaboration aussi avec les sorcières.
Mais ce n’est pas tout ! Tous les ans à la même période, juste avant le mariage de Hebo, c’est ainsi que ce nomme notre dieu de la rivière, les sorcières de la province rendent visite à tous les habitants afin de trouver la plus jolie jeune fille de la province. Une fois celle –ci repérée, elle est choisie par les sorcières pour devenir l’épouse de Hebo, notre dieu. Les sorcières l'emmènent en échange d'une maigre compensation en argent donnée aux familles. Aussi selon la tradition, la jeune demoiselle, la future épouse du dieu de la rivière, revêt tous les apparats d’une jeune mariée. Elle est vêtue et voilée de rouge. Un palanquin est aussi préparé pour la cérémonie. La jeune mariée installée dans ce palanquin est alors prête. La cérémonie peut commencer. Et ce jour là, les habitants accourent en masse au bord de la rivière pour voir la jeune mariée. Les porteurs du palanquin s’enfoncent progressivement dans l’eau sous le regard du peuple, muet. Et la jeune mariée rejoint son époux, le dieu Hebo, dans les profondeurs de la rivière.
Les habitants redoutent ainsi chaque année que leur fille soit choisie par les sorcières pour devenir la future épouse et fuient le village. Mais les plus pauvres, n’ayant pas les moyens de fuir, demeurent. Et chaque année, les impôts collectés pour cette cérémonie appauvrissent la population, les habitants et la province tout entière ne cessent de se dépouiller.
Bien sûr, nous avons déjà tous pensés à abandonner cette tradition. Mais les sorcières nous ont avertis que la colère de Hebo serait très grande et terrible. Elle serait telle que les maisons et les terres seraient enfouies sous les eaux et le village anéanti. Ainsi, les habitants, craignant cette calamité, préfèrent perpétuer cette tradition et sacrifier une de leur fille. »

Attentif à cette histoire, Ximenpao hocha la tête et dit aux anciens : « Surtout, n’oubliez pas de me tenir informé de la prochaine cérémonie de mariage du Dieu de la rivière. Moi aussi, je veux y participer ! ».
Quelques temps plus tard, la cérémonie fut enfin organisée. Ximenpao, informé du lieu de la cérémonie s’y rendit. Une fois sur place, il vit les tyranneaux locaux, les fonctionnaires corrompus et les sorcières réunis, avec la jeune fille à marier et sa famille. Assis sur le bord de la rivière, près de 2 à 3000 personnes étaient sur place pour assister à la cérémonie !

Ximenpao observa alors le groupe de tyrans de la province. La sorcière devait avoir bien plus de 70 ans et était entourée d’une dizaine de jeunes disciples. Ximenpao s’approcha de ce groupe et questionna : « S’il vous plaît, jeune épouse de notre dieu de la rivière Hebo, pourriez-vous sortir me laisser admirer votre beauté ? » La jeune fille, aidée par les porteurs de palanquin, sortit doucement. Ximenpao découvrit face à lui une jeune fille certes fort jolie, mais pâle de terreur, toute tremblotante, ne pouvant se tenir droite. Ximenpao l’observa longtemps, la regarda de la tête aux pieds, puis se tourna vers les notables et les sorcières et leur dit : « Il me semble que cette jeune fille est loin d’être très jolie, j’ai peur que sa majesté le dieu de la rivière ne puisse apprécier son épouse et se mettent en colère. » et s’adressant à la vieille sorcière : « Veuillez, s’il vous plaît, vous empresser d’informer le dieu de la rivière que nous allons rechercher une autre épouse et que nous repoussons la cérémonie à demain» Il ordonna alors que la sorcière soit jetée dans la rivière pour prévenir le dieu Hebo.

Quelques instants plus tard, Ximenpao secoua la tête et dit : « Comment se fait-il que cette dame ne soit toujours pas revenue. Il lui en faut du temps pour prévenir le dieu. Envoyons un disciple voir ce qu’elle fait ! » Et Ximenpao ordonna de jeter un des disciples de la sorcière dans la rivière.
Ayant attendus déjà plusieurs instants, Ximenpao s’exclama : « Ohlala, cette apprentie sorcière est bien longue à revenir. Envoyons une autre apprentie la presser un peu. » Et hop, une nouvelle sorcière à la mer ! Et trois apprenties sorcières furent ainsi jetées dans la rivière.

Puis Ximenpao interrogea : « Hmmm, c’est vraiment très étrange… Personne ne revient de la rivière. Bon il est vrai que ce sont des filles après tout. Peut-être que leurs paroles ne sont pas claires. Envoyons donc des messieurs pour parlementer avec notre dieu de la rivière ! »
Et hop ! Hop ! Hop ! Trois notables à la mer.
Ximenpao se prosterna sur le bord de la rivière et fit mine d’attendre le retour de ces notables.
Mais pendant ce temps, les fonctionnaires et tyranneaux locaux restants trépignaient de nervosité.

Quand tout à coup, Ximenpao tourna la tête vers eux, les regarda fixement et leur dit :
« la vieille sorcière, ses trois disciples et les trois notables ne reviennent pas. Que faut-il faire? Ne faudrait-il pas demander aux fonctionnaires de s’adresser directement au dieu de la rivière.» A ces mots, les fonctionnaires s’agenouillèrent immédiatement et ne cessèrent de se prosterner devant Ximenpao. Ils se courbèrent tellement près du sol, que leurs têtes cognèrent le sol jusqu’à ce que le sang se mit à couler. Ils avaient perdus toutes leurs couleurs, ils étaient livides.
Ximenpao attendit encore quelques instants, puis s’adressa à ces fonctionnaires sur un ton languissant et lassé : « Levez-vous ! il me semble que votre Dieu de la rivière, que l’on nomme Hebo, apprécie ses convives. Laissons-les là où ils sont ; vous n’avez plus besoin d’attendre leur retour, rentrez donc chez vous ! »

Et c’est ainsi que plus personne n’osa reparler de la cérémonie de mariage du dieu de la rivière Hebo !

Voilà comment Ximenpao, magistrat du roi de Wei, sous les royaumes combattants, brisa une superstition néfaste à toute une région.

lundi 2 octobre 2006

Oeuvres de Hou Chun-Ming : "Gods Searching"

Découvrons ensemble un artiste taiwanais, Hou Chun-Ming, qui a la particularité d'avoir créer un personnage récurrent dans ses oeuvres, un androgyne inspiré par l'artiste lui-même.


Originaire de Chiayi dans le sud de Taiwan, d’un petit village nommé, « liu Jiao », c’est à dire « six jambes »,Hou Chun-Ming part à la recherche de lui-même. Il choisit comme nom d’artiste, ou surnom « Liu Jiao Hou Shih ». C'est un personnage androgyne ayant une naissance plus ou moins tourmentée.
Ce personnage, un androgyne à six jambes représenté dans les œuvres de Hou Chun-Ming, serait né d’un viol dont aurait été victime sa mère. A la naissance de cet enfant, les habitants du village auraient battu cette créature grotesque (haïe, par ailleurs, bien avant sa naissance) plongeant ainsi sa mère dans la folie, juste avant sa mort. A la mort de sa mère, cette créature aurait arraché sa tête de chagrin et de colère et se serait mise à crier et à pleurer sa mère chaque soir. Ce monstre aurait hérité des deux jambes du violeur et des jambes et des bras de sa mère. Un monstre à six pattes, mi-homme, mi-femme, pouvant ainsi assumer ses désirs sexuels et affronter la répression sexuelle en se suffisant à lui-même.

Cette créature nommée, « six pattes » par l’artiste, ne se résignant pas à son destin est représentée par Hou Chun-Ming, gravé sur du bois, avec un texte explicatif sous chaque représentation.

Avec cette technique d’imprimerie, proche de l’imprimerie et de l’imagerie des livres bouddhistes, Hou représente ses démons, ses soucis et ses réflexions sur notre société, les désirs réprouvés, la moralité… Cette série est non seulement une façon de détruire la moralité actuelle, mais aussi et c’est pour cela qu’il utilise les techniques bouddhistes pour la représentation de sa créature, montre l’importance des temples. Ils seraient une sorte d’échappatoire et de protecteur de la sombre humanité.

Pour découvrir les oeuvres de Hou Chun-Ming