mardi 4 juillet 2006

Wu Mali, artiste taiwanaise militante

A la découverte de l'artiste taiwanaise Wu Mali.


En 1979, elle sort diplômée du département d’allemand à Taipei et s’oriente vers l’art qu’elle étudie à l’académie nationale des arts de Dusseldorf. De formation hétéroclite, on retrouve dans ses oeuvres un amalgame de discipline tel que la littérature, la langue et l’histoire.

Pour ses oeuvres, Wu Mali utilise les objets du quotidien qu'elle appelle les objets de la vie, avec lesquels elle réalise des installations. Son objectif est ainsi de tisser un lien entre l’espace de l’oeuvre et l’oeuvre elle –même, tout en créant un lien entre elle-même et la communauté. De cette façon, ses oeuvres proposent aux spectateurs une nouvelle société de valeurs indépendantes et tentent de créer un monde alternatif à la société patriarcale taiwanaise.


Oeuvre féministe de Wu Mali , pour la commémoration des femmes victimes de la répression du 28 février 1947.


Le 28 février, fête nationale sur l'île de Taiwan, commémore les victimes de la terreur blanche, la période de répression organisée par l'armée du Guomindang sur la populations taiwanaise.

En 1998, Wu Mali innove cette commération en s'intéressant particulièrement aux femmes victimes de cette répression. Ainsi, elle réalise une installation à partir de deux feuilles de verre. Sur l’une des feuilles, il est rappelé que si les victimes de la guerre civile ont été réhabilitées dans les années 90, les femmes elles ne l’ont jamais été.

Sur la seconde feuille, un très joli texte est rédigé. Ce texte consiste à rappeler tout ce que les femmes ont enduré durant cette période mais qui n’a jamais été pris en compte.

Voici un extrait du texte, traduit en français :

Elle a lavé les corps des victimes de ses larmes

A la fin des funérailles et après le départ de la famille.

Avant de tomber en larmes et de s’écrier : mon dieu, j’ai peur ! Mon dieu, j’ai peur!

Elle a fait sa toilette et s’est assise à la maison dans l’attente de la vie , de la mort

Elle fut violée, baffouée, laissa les enfants et partit

...

Entre ces deux feuilles de verre est projeté une vidéo de la rivière Keelung, symbole poignant, puisqu’il s’agit de la rivière où les victimes du massacre furent jetées.


Wu Mali, artiste militante


Actuellement, Wu Mali poursuit son objectif de rapprochement avec le public et s’oriente de plus en plus vers la sculpture sociale comme son mentor le célèbre artiste allemand pionnier en la matière, Joseph Beuys.

Ainsi l’oeuvre la plus récente de WU Mali est son action sur la rivière Danshui dans le nord de Taipei.

Au mois de mai de cette année, elle a organisé une rencontre entre groupes féministes et écologiques pour réfléchir ensemble aux problèmes de la pollution des eaux. Ces rencontres ont eu lieu sur un bateau navigant sur la rivière Danshui, en compagnie de chercheurs invités pour présenter l’histoire de cette rivière, son évolution, les raisons de la dégradation de ses eaux. Au fil de ces rencontres, Wu Mali a également réalisé des sculptures et autres installations, à partir des déchets récupérés dans la rivière Danshui. Cette installation dirigée par Wu Mali est très révélatrice de la nouvelle forme de l’art de cet artiste : un art proche du public, utile et accessible à tous. Wu Mali contribue ainsi à changer les rapports des individus sur l’art et à les rapprocher des problèmes essentiels de la société. De cette manière, l'artiste taiwanaise rend à l’artiste sa fonction première qui consiste à modifier la vision du monde!

Voilà donc une artiste engagée, très prolifique, qui multiplie actuellement les rencontres et interventions à Taiwan.