mardi 6 juin 2006

« Revolt of Body and Soul », oeuvre de Chen Chieh-Jen

L’oeuvre la plus marquante de l'artiste Chen Chieh-Jen est sa série « Revolt of Body and Soul », où il utilise d’anciennes photos représentant l’exécution traditionnelle chinoise par démembrement progressif appelé Lingchi et photographiés par les occidentaux au début du 20ème siècle.

C’est ainsi en modifiant par ordinateur ces photographies célèbres en Occident, qu’il va représenter des scènes horribles, violentes, stupéfiantes, retraçant l’histoire et l’évolution d’une société qu’il juge démembrée, comme les victimes lors de ces scènes d’exécution chinoise. Ainsi en reconstituant ces scènes de tortures en y intégrant la photo de son visage, et différentes autres scènes de plaisirs, ou de sectionnement, il symbolise une société taiwanaise fondée sur des omissions, des reconstitutions, des coupures et autres remaniements de l’histoire opérées depuis des années par les gouvernements successifs au pouvoir.

Cette série est un ensemble d’oeuvres d’abord réalisées à partir de photos prises entre 1900 et 1950 (date coïncidant avec le début de la Chine moderne et de l’instauration de la loi martiale à Taiwan), puis ces photos sont modifiées pour représenter l’effet que la violence de cette période a produit sur une société taiwanaise se détruisant elle-même, avec des méthodes légales d’exclusions sociales, de reconstitutions de l’histoire, et de coupures en période de loi martiale.

Ainsi dans ses oeuvres, la violence y est externe, interne et institutionnelle.

Ainsi, pour mieux comprendre son oeuvre, abondante de symbole, je vous propose de nous attarder un instant sur une oeuvre, exposée actuellement au Musée d’art contemporain de Taipei, le Taipei Fine Arts Museum, le triptyque « Lost to voice ».

Ce triptyque a pour source une photo prise en 1946 lors de la guerre civile où les Communistes armés ont pris un village chinois, Chongli, et l’ont complètement massacré. La photo de base est déjà une scène terrible, proche des représentations que l’on peut avoir généralement de l’enfer, montrant un carnage monstrueux. Or désormais, avec l’oeuvre de Chen Chieh-jen ce massacre atteint le sommet de l’horreur.

Et à cette scène d’horreur, Chen Chieh-jen y ajoute des corps se masturbant et se mutilant eux-mêmes tous ayant l’apparence de l’artiste lui-même, se posant ainsi comme victime de ces massacres, et comme auteur de ceux-ci à la fois. Montrant ainsi la double personnalité de la société taiwanaise à la fois victime et bourreau. Sur cette photo il y ajoute aussi des frères siamois, ayant également son apparence, personnage récurant dans son oeuvre, représentant ainsi des siamois se détruisant et tout en s’amusant ensemble. Ces siamois, non seulement expriment la destruction, et la prise de plaisir, mais également représente un état et son peuple se déchirant mutuellement. Ici les siamois dansent sur les corps et sont transportés de joies, tournés vers les spectateurs, amenant ainsi le spectateur a atteindre le sommet de l’exaspération face à cette scène d’horreur !

Cette série sur la révolte du corps et de l’esprit réalisée à la fin des années 90 est alors complétée par une oeuvre vidéo intitulée « Lingchi : Echoes of a Historical Photograph ».

Oeuvres de Chen Chieh-Jen

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