samedi 19 octobre 2002

Le renouveau des cinémas chinois : le cinéma de la Chine continentale

Au même moment, avec la fin de la Révolution culturelle, la production cinématographique en Chine populaire redémarre peu à peu, avec les films de la « Cinquième génération »[1] (il s'agit de la cinquième génération d'élèves à I'Institut du film de Pékin[2]). Le studio de Xi'an, dirigé par Wu Tianming[3] depuis 1983, permet à quelques-uns de ces jeunes metteurs en scène, de réaliser des œuvres personnelles. Ces cinéastes, censurés par le gouvernement, renouent avec le cinéma critique d'avant la Révolution culturelle. Les sociétés anciennes et nouvelles sont analysées, notamment les changements que les femmes ont connus avec ce bouleversement de la société. La réalisation se fait sous le contrôle, dans un premier temps, du Bureau du Cinéma, puis du Ministère de la Radio, de la Télévision et du Cinéma et à partir de 1998 de l'Administration d'Etat de la Radio, du Film et de la Télévision (AERFT). Le cinéma devient plus un moyen d'informer la population chinoise qu'un art. Tous les films « désinformant » les populations sont interdits. La censure s'exerce dès la présentation du scénario au ministère ou, si celui-ci est accepté, à la post- production. Dans le but d'informer, en 1987, le nouveau ministre du Cinéma, Chen Haosu, crée une fondation afin de financer des films à caractère informatif ; I1 s'agit de productions sur des thèmes historiques, tels les combats révolutionnaires ou encore 1es luttes du peuple. Ces films sont réalisés par les seize studios de l'Etat, seules compagnies de productions autorisées en Chine populaire.

A partir de 1988, alors que le nombre de spectateurs diminue, la politique du ministère du Cinéma change d'objectif, et réoriente les studios vers des films plus commerciaux. Leur but est de concurrencer les productions hongkongaises, abondantes sur le marché chinois. Parallèlement, des œuvres plus personnelles apparaissent, avec la « sixième génération » de cinéastes. Ces œuvres ont la volonté de saisir la difficulté des populations chinoises, et surtout de montrer le regard des jeunes générations sur leur société, en insistant sur les femmes (leur place dans la société, leurs difficultés et leurs forces). En 1993, avec la fin du monopole de la société d'Import-export et de distribution cinématographique d'Etat, la China Film, le cinéma chinois s'ouvre au reste du monde. Dans une période de liberté économique, le gouvernement restreint ses interventions dans la production cinématographique. Les studios s'ouvrent aux investisseurs privés et de nouvelles sociétés de production et de distribution apparaissent, telle Ocean Film, Asian Union ou encore Forbidden City Film Company.

Les films chinois s'exportent davantage, mais les importations étrangères restent étroitement contrôlées. En 1995, Jiang Zemin renforce la censure, afin de limiter les dérives de la libéralisation économique. Le gouvernement rappelle que le cinéma doit avoir « un contenu idéologique et artistique, tout en étant apprécié et optimiste ». « Les metteurs en scène doivent réaliser des films en plus grand nombre et de meilleure qualité, illustrant les progrès éthiques et culturels du socialisme »[4] Ainsi au nom du « motif principal » contenu dans le film pour servir l'Etat, le nouveau chef du bureau du cinéma, Liu Jianzhong, renforce la censure, d'autant plus aisément que le terme de « motif principal » est extrêmement peu précis[5]. Des réalisateurs parviennent toutefois à contourner cette censure, en tournant sans autorisation. Leurs œuvres sont alors interdites en Chine, mais généralement, visibles clandestinement[6] où à l'étranger. Le public chinois, y compris à la télévision, n'a alors qu'un choix limité de productions cinématographiques, toutes commerciales, américaines ou hongkongaises.



[1] Celle-ci sera étudiée dans la première partie du mémoire.

[2] L’institut du film de Pékin est la plus grande école de cinéma de Pékin. La plupart des réalisateurs chinois continentaux connus en Occident proviennent de cette école, tel Chen Kaige, ou encore Jia Zhangke, jeune réalisateur présent en compétition officielle à Cannes 2002.

[3] Wu Tianming est diplômé de l’Institut du film de Pékin. En 1983, il réalise Rivière sans balise.

Avec celui-ci, il est surnommé, le « père de la cinquième génération ». La même année, il est nommé directeur du studio de Xi'an.

[4] Propos recueillis dans, Dominique BARI, Chine: la grande mutation, Paris, 1997, Editions sociales,coll. Regards sur le monde, p. 87.

[5] A ce propos, lire Bérénice REYNAUD, Nouvelles Chines, nouveaux cinémas, Paris, Editions Cahiers du cinéma, 1998,p.14 -16.

[6] Les films censurés sont visibles en copie VCD ou vidéo, et vendus « sous le manteau ». Internet permet aussi de visionner les films censurés.

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